La numérisation des PME agite le marché des télécoms d'entreprise
Aiguillonnées par la crise sanitaire, les PME accélèrent leur transition numérique. Elles font leur marché auprès des mastodontes, comme Orange, mais aussi des 2.000 opérateurs alternatifs qui proposent des solutions et expertises spécifiques. Ce secteur est en pleine consolidation.
Avec sa box Internet fibre optique pour les professionnels, Free a annoncé le 23 mars vouloir « révolutionner » un secteur dominé par Orange (60 % du marché des télécoms d'entreprise) et SFR (20 %). C'est un nouveau pavé dans ce marché de la fibre professionnelle que l' Arcep, l'Autorité de régulation du secteur, avait déjà tenté de secouer en 2016 en favorisant la création à Paris d'un opérateur de gros, Kosc. Racheté en 2020 par le normand Altitude Infra , Kosc (80 salariés et 60 recrutements annoncés pour 2021) promet « au meilleur tarif » des lignes très haut débit aux opérateurs de services aux entreprises.
Sur ce deuxième étage du marché des télécoms, celui des services, la concurrence est déjà très installée mais elle accélère avec la numérisation à marche forcée des entreprises. Ils sont en effet 2.000 opérateurs, de toutes tailles, à proposer des solutions et expertises spécifiques : téléphonie fixe et mobile, cloud, raccordement multisite d'enseignes et de collectivités (comme Linkt, filiale d'Altitude), outils collaboratifs (comme le francilien Foliateam). Ou encore des services hébergés, comme le nancéien Adista (110 millions d'euros de chiffre d'affaires) qui, en février dernier, a fait l'acquisition de son concurrent parisien Waycom (40 millions d'euros de chiffre d'affaires).
Google et Amazon
« Le secteur est en pleine consolidation », observe Laurent Silvestri. Le président du Club des dirigeants réseaux et télécoms (220 membres) dirige surtout Open IP, un spécialiste des communications sécurisées dans le cloud installé à Clichy près de Paris, qui dégage 20 millions d'euros de chiffre d'affaires. Deux ans après avoir été racheté par le groupe belge Destiny, il a, lui-même, annoncé en mars le rachat de son confrère parisien Alliantel (9 millions de chiffre d'affaires).
Ces opérateurs dits « alternatifs » doivent en effet jouer des coudes face aux acteurs de la tech américaine (8X8, RingCentral, Zoom), à Google et Amazon, aux groupes comme Atos et, bien sûr, à Orange, qui revendique être « le seul à être sur tous les métiers d'opérateur réseau, de fournisseur de services digitaux, de cybersécurité et d'hébergement ».
La période est porteuse car la crise sanitaire accélère la numérisation des entreprises, avec l'essor du travail à distance, le besoin de protection contre les cyberattaques, en forte hausse, ou encore le « click & collect » dans les commerces. « Nos ventes de solutions packagées de sites Internet - création du site, maintenance et référencement - ont été multipliées par 4 en un an », indique Pierre Jacobs, directeur Orange Grand Ouest, qui compte 200 conseillers PME.
Paradoxe français
« Les entreprises s'arment aussi en vue de la reprise », observe Sébastien Morin, président d'Hexatel, opérateur réseaux installé à Rennes (300 salariés dans 31 agences de l'Ouest). « Elles investissent dans l'accès fibre optique, les équipements de réseau et les outils de collaboration » (tels que Teams, Zoom, etc.). Avant le Covid, les PME avaient aussi pris le pli « d'acheter des services en ligne pour être plus performantes et rechercher de nouveaux clients », ajoute Laurent Silvestri. Et de s'adapter « à la transformation de la relation client qui est désormais omnicanale (avec les mails et les réseaux sociaux) et plus seulement vocale ».
Mais les PME viennent de loin. « Il y a un paradoxe français », pointe Paul Le Dantec, directeur général de Kosc . « Le déploiement de la fibre optique a été favorisé pour le résidentiel où nous sommes parmi les premiers en Europe, mais nous restons en retard sur la numérisation des entreprises, 16e sur 28. » Un rattrapage qui va nourrir ce secteur des télécoms d'entreprise en pleine effervescence.
* adhèrents du CDRT